22 décembre 2010

Tokyo Monogatari (Tesson)

Servitude narcissique de l'écrivain (Frodon)

A quoi sert la critique de cinéma?
Jean-Michel Frodon (Slate) 18 Nov 2010


Frodon commence par un calembour, en substituant un verbe transitif direct (servir quelqu'un) au verbe transitif indirect (servir à quoi?) de la question posée... Petite pirouette sophiste pour faire glisser subrebticement le débat académique attendu (du titre de l'article) sur une tangente plus polémique (qui ne répond pas à la question du titre). Il nous prévient qu'il va prendre un détour, mais se garde bien de préciser à la fin de sa boucle, qu'il n'a pas vraiment décrit un contexte complet propice à la résolution du questionnement.

"La critique est requise de servir quatre maîtres différents, qui tous veulent lui imposer ses règles. Alors que sa raison d’être est ailleurs. [..]

  1. les marchands (publicité du pauvre)
  2. les organisateurs de loisir (service, guide du consommateur)
  3. les journalistes (symptôme de l'inconscient sociétal)
  4. les professeurs (cours d'histoire du cinéma)

[..] Ces quatre utilisations fort différentes de la critique ont en commun d’ignorer la particularité de ce dont on parle : un film. Un film est bien sûr aussi ce à quoi les réduisent ces différents maîtres, il est un produit qui cherche à se vendre, un service de loisir susceptible d’être évalué, un document qui évoque des aspects de la réalité, un objet d’étude universitaire. Mais il est encore autre chose, et c’est justement à cet «autre chose» que répond l’activité critique. [..]
La caractéristique d’une œuvre d’art est d’être un objet ouvert (selon l’expression d’Umberto Eco), un objet dont on peut décrire les composants mais dont le résultat excède, et excèdera toujours ce qu’on peut en analyser et en expliquer. [..]" 
Tout ça est bien gentil jusqu'à présent. Rien à redire.
Il présente 4 façons de pervertir le discours sur le cinéma à des fins exogènes (qui ne contribuent qu'indirectement à la culture cinématographique). Il recentre la question sur l'objet lui-même : le film. Je suis d'accord.


Mais il faut le voir venir, et comprendre le pourquoi de son long détour, par Diderot et Baudelaire. En fait, il rapporte une cinquième perversion sans se l'avouer : le narcissisme de l'écrivain. Lequel se rapproche le plus de la perversion journalistique. Si l'écrivain utilise bien le film et non son sujet, il le détourne pareillement pour se donner un prétexte à raconter sa vie, l'expérience du spectateur (érudit). Même s'il entre plus profondément que le spectateur de base dans les entrailles du travail filmique et des intentions de l'auteur, ce discours reste le témoignage d'un observateur égocentrique qui s'imagine que le film a été construit autour de lui, pour lui, et que ses réactions au film sont universelles et partageables avec ses lecteurs, les autres spectateurs potentiels du film.

Frodon s'oppose à "l'explication du mystère", il revendique pleutrement une critique sans résultats analytiques, sans réponses, sans clés... il se ménage sans le dire, un blanc-seing, une immunité critique. Selon lui, le critique peut divaguer à sa guise, inventer tout ce qui lui passe par la tête, rêver avec le film, succomber à ses manipulations dramatiques et ne jamais pouvoir être jugé sur la crédibilité de cette broderie sauvage inspirée du film.

Frodon s'imagine que la critique n'a pas de fonction, ni d'utilité artistique. Il s'octroit la liberté de l'écrivain qui met des mots sur des impressions, au fil du visionnage. Voilà. Chacun ses goûts, chacun son "dialogue sans fin avec l'œuvre", chacun "sa propre vérité", chacun son appropriation narcissique. En clair, il rejette tout standard esthétique universel.

Il va même plus loin, il suggère que le critique (selon sa définition) aide le film à "déployer le mystère", comme si le film ne se suffisait pas à lui même...

Si la critique à un rôle, ce n'est surement pas de servir de béquille au cinéma. Tout film est réalisé clé en main. Ce n'est pas au niveau de sa "consommation", en appportant un complément, avant ou après la projection. Un film existe d'abord sans la critique. La critique vient après, en dehors de la relation première entre le film et son spectateur.

La critique commente, explique, approfondit, analyse, interprète... mais dans un rapport parrallel, facultatif. La critique existe seulement pour les spectateurs qui en ressentent l'intérêt, le besoin ou l'envie. Par exemple, le premier spectateur, l'auteur du film, a un intérêt tout particulier pour le jugement critique des analystes qui remarquent les détails cachés de son travail. D'autres spectateurs, se passeront volontiers de ce genre de scrutations.

"Est-ce à dire que tout film est une œuvre d’art? Bien sûr que non. Mais tout film, quelles que soient ses conditions de production, en contient la promesse, tenue ou non. Dans les faits, un nombre relativement restreint de films sont de véritables œuvres d’art, la plupart cherchent au contraire des objectifs utilitaires, mécaniques, qui asservissent leurs spectateurs à des stratégies qui peuvent être sophistiquées mais qui à la fin visent au contrôle des émotions, des pensées et des comportements. [..]"
Tout à fait.

"Mais ce travail peut être aussi de repérer comment, malgré une visée purement utilitaire et instrumentale, une dimension artistique apparaît dans un film qui ne le cherchait pas : une des grandes beautés du cinéma est d’être capable d’art même quand ceux qui le font n’en ont pas le projet, se contentant pour leur part des autres dimensions du cinéma, le commerce, la distraction et le document."
Cela revient à rechercher la valeur artistique d'un yaourt dans la pile de mille... Est-ce que l'un d'entre eux devient "art" sans que la chaîne de production ne l'ai prévu en amont? Non. J'en doute fort.

Ce n'est pas plus compliqué qu'en littérature ou en peinture : tout un chacun écrit emails et correspondance intime... heureusement, tous ne se réclament pas des écrivains, ni des artistes! Les peintres en bâtiment utilisent la même peinture et pourtant ne produisent pas des œuvres d'art à longueur de journée. Bizarrement, le bon sens fait bloquage dans le monde du cinéma... Ce n'est pas parce que les modes de productions se ressemblent, qu'un artiste utilise le même équipement technique et la même bande de collaborateurs, qu'un objet de consommation du spectacle aie les mêmes chance de devenir une œuvre d'art (malgré lui).
Beaucoup de réalisateurs fabriquent des films (histoires filmées), peu en font du Cinéma (art).

"En revanche, et ça c’est effectivement nouveau, il y a sur Internet des gens qui, à titre bénévole et non institutionnel, sans appartenir à un média établi, font un véritable travail critique. Ce travail requiert un effort d’écriture et de pensée, et c’est une excellente chose que l’accès à l’activité critique ait ainsi pu se démocratiser – à condition de ne pas tout confondre cette activité là avec l’immense masse de paroles spontanées."
Sa conclusion sur internet est un peu courte, et d'une banalité affligeante... Si les modalités pratiques de la critique évoluent, c'était sur cet angle qu'il fallait développer une réflexion, et non sur la nécessité d'une écriture narcissique dans le travail de la critique.

18 décembre 2010

Imposture 4

Godard par Badiou
Projection Privée (France Culture) 18 Déc 2010, [MP3] 1h :

Alain Badiou : [..] la Nouvelle Vague a fonctionné comme si elle était une Avant Garde. Ce que, après coup, on voit bien qu'elle n'était pas, d'une certaine manière, parce qu'elle avait repris beaucoup des traits de ce qu'elle critiquait, comme on le fait toujours, mais sur le moment-même on ne s'en aperçoit pas.


Michel Ciment : Le héros de notre temps, pour vous, c'est Godard. [..] D'ailleurs Godard vous a invité dans son dernier film - Film Socialisme. Avec Godard, il faut toujours se méfier des hommages parce que vous faites un cours sur Husserl et la géométrie, mais la salle est vide. Vous avez moins d'auditeurs que vous en aurez avec cette émission de Projection Privée. Vous avez quelques centaines de milliers d'auditeurs, que Godard vous réserve des fauteuils vides. Chez Godard les coups de chapeau ne sont jamais sans quelques perfidies... [..]


Alain Badiou : Oui, je pense que Godard est une sorte de compagnon lointain. Je l'appellerais comme ça. Les séquences successives de son existence artistique coïncident de très près avec ma propre existence. Cinéphilie enragée, avec une volonté de rupture avec un certain régime du cinéma français. Avant-gardisme politique, avec tentative d'une nouvelle synthèse dans les années 80. Méditation sur l'histoire du cinéma. Tout ça je comprends. Je suis bord à bord avec ça. Ça veut pas dire que je suis toujours d'accord avec lui. Par exemple je n'entérine pas la thèse de "la mort du cinéma". Peut-être même que je ne pense pas comme lui que la clé de tout est une certaine "ontologie de l'image". Mais... "compagnon". "Lointain" parce qu'effectivement, Godard c'est pas toujours de premier choix, c'est souvent un peu entortillé. Y'a quelque chose d'une sourde confusion godardienne, qu'on reconnait d'ailleurs, et un empilement des strates de signification, mais qui d'une certaine façon se donnent un peu comme énigmatiques. Et donc je n'en fait pas un éloge... Je ne dirais même pas que c'est le cinéaste que je préfère par exemple. Après tout, pour mettre les pieds dans le plat de mon néo-classicisme indécrottable, en un certain sens, j'ai plus de plaisir à voir les films de Clint Eastwood que les films de Godard. Mais il est mon contemporain. Je comprends, y compris ce que je n'aime pas chez lui. J'en comprends l'origine, la nature et la problématique. Et c'est en ce sens qu'il est comme un film rouge quand même dans mes rapports avec le cinéma. Je le recroise, je le retrouve un peu à tout moment dans ces différentes figures.

S'agissant du film, je vais quand même raconter l'histoire. Parce que Godard avait décidé dès avant qu'il n'y aurait personne à cette conférence. Je l'ai vu 4 ou 5 fois avant le film. Nous avons eu de longues discussions... Enfin, "discussion" est très exagéré, parce qu'on ne discute pas avec Godard, on l'écoute parler et on fait quelques ponctuations. Et je sentais qu'il y avait quelque chose qu'il ne me disait pas. Il m'avait expliqué qu'il y aurait une séquence de travail, une séquence de petit déjeuner et la conférence. Et je me doutais bien que ça serait des ponctuations. Je ne prétendais pas, d'aucune façon, d'être la vedette de ce film de Godard. Mais il y avait quelque chose qu'il ne me disait pas. Alors il me dit "Badiou, voilà, dans la scène de la conférence, je souhaite qu'il n'y aie personne." Alors je dis : "Où est le problème? C'est un film." Alors il m'a dit : "Je ne voudrais pas que ça donne l'impression d'insinuer que lorsque vous parlez il n'y a personne." Je dit : "Mais je sais pertinemment que lorsque je parle il y a des gens... nous sommes dans un film." J'étais tout à fait prévenu de cette chose-là. Donc on voit très bien quand on voit le film que je suis une image solitaire. Il y a la croisière, il y a le bateau, il y a l'univers, dans un certain sens, aliéné, du bateau. Moi je suis là, mais entièrement sans rapport avec qui que ce soit. Les images qu'il a prélevées de moi sont des images de solitude absolue. Je suis donc comme une espèce d'énigme dans cette croisière, dont le sens échappe totalement puisque je fais une conférence mais il n'y a personne. Autrement je suis dans ma cabine, je travaille. J'incarne un des sujets du film c'est, eu égard au carnaval du monde : qu'est-ce que c'est qu'un retrait. C'est un des thèmes important du film. Ce retrait, j'en suis une des images possible.

Je voudrais simplement terminer à propos de Godard, en disant que c'est une histoire héroïque que celle de Godard. C'est une histoire qui mélange de façon tout à fait étrange un goût très calculé de la présence, de l'intervention. Et en même temps, une espèce de sauvagerie susceptible du retrait et de l'absence. Ce mélange a donné cette figure à la fois omniprésente et absente qu'est celle de Godard, que je trouve philosophiquement héroïque, comme ça. 
Lire aussi :

16 décembre 2010

Le Masque (France inter)


Le masque et la plume (france inter) 5 déc 2010 enregistrée le 25 nov - 59'

Emission radio de critique cinéma (plus ou moins bimensuelle depuis 1959) sur France inter, avec Jérome Garcin, Sophie Avon (Sud Ouest), Alain Riou (Nouvel Obs), Xavier Leherpeur (Studio-CinéLive), Pierre Murat (Télérama), exceptionellement retransmise en directe sur internet (DailyMotion).

Les sorties de la semaine :
  • Inside Job (Charles Ferguson/USA) DOC
  • No et moi (Zabou Breitman/France)
  • L’empire du milieu sud (Jacques Perrin/France) DOC
  • Outrage (Takeshi Kitano/Japon)
  • Le nom des gens (Michel Leclerc/France)
  • My Joy (Serguei Loznitsa/Russie)

08 décembre 2010

Complaisance pour films "mineurs" (Deleuze, Guattari, Cahiers)

La même rengaine...

Une Amérique mineure : on a lâché le terme face à la sélection US du festival de Cannes [2007] - Zodiac, de Fincher, Boulevard de la mort, de Tarantino, No Country for Old Men, des frères Coen, Paranoid Park, de Gus Van Sant. C’était du bricolage de Croisette (cf. Cahiers n° 624). On s’est depuis demandé si ça tenait la route, cette migration du concept que Gilles Deleuze et Félix Guattari formalisèrent dans leur Kafka, pour une littérature mineure (Minuit, 1975). Pas mieux pour le moment. Ça reste du bricolage, mais ça colle, ça se ramifie avec d’autres films américains récents, de Cronenberg à Shyamalan, de Friedkin à Scorsese. [..] Pour part, cela recoupe la vieille question du maniérisme, sur laquelle reviennent régulièrement les Cahiers : est-ce qu’on en est sorti ou est-ce qu’il a juste changé de forme ? [..]
Nullement une « langue mineure », mais celle « qu’une minorité fait dans une langue majeure » (et pourquoi pas les codes hollywoodiens - est-ce si loin de la définition classique de l’auteur ?). [..]
Particularisation et atterrissage de l’Amérique-cinéma : le mouvement des minor movies éclairent du coup une question connexe, celle du maniérisme. Pétris de références, ces films ne cessent pourtant de les ramener à une échelle locale, quand le maniérisme des années 1980-1990 avait précisément tendance à les déployer, ne localisait pas mais globalisait, du cinéma à l’Amérique, de l’Amérique au monde, du monde au cosmos. [..] Le cinéma mineur croit plutôt à la compression et aux branchements microscopiques. 
Minor movies, Hervé Aubron, Cahiers du cinéma, n°625, juillet 2007



* * *



Nous rencontrons aujourd’hui des cinéastes plus jeunes, nés au milieu des années 70, qui ont grandi dans les années 80 (une mythologie souvent présente dans leurs films), et qui ont tendance à se débarrasser des repères des années 60.  [..] L’idée n’est pas de faire un recensement de tous ceux qui feront le cinéma français, mais d’interroger ceux qui prennent le plus de liberté avec la tradition. Ceux qui se jettent à l’eau franchement sans avoir peur de déplaire ou de mal faire. [..] La question de la diversité du cinéma français est souvent posée de manière trop étroite : comme si au cinéma d’auteur traditionnel ne pouvait s’opposer qu’un cinéma de « genre » (policier, teen movie, fantastique), ce qui nous vaut des pastiches vains des grands Américains [..] Cette détermination est peut-être le propre d’une génération moins embarrassée par le modèle des grands anciens. [..] Qu’est-ce qui fait qu’en certains endroits, comme en Roumanie dans les années 2000, une génération soudain s’affirme et littéralement prend le pouvoir ? Ce désir de mettre en lumière ces tentatives, de les « pousser », vient aussi d’un constat alarmant : ces derniers temps, les films les plus libres, les plus nouveaux, ont été réalisés par des cinéastes plus tout jeunes (Coppola, Oliveira, Eastwood ; en France : Resnais, Godard, Varda). Bien sûr les vieux maîtres ont toujours brillé par leur liberté d’esprit, à toutes les époques. Mais aujourd’hui, à part le phare Apichatpong Weerasethakul, il y a peu d’exemples de cinéastes réalisant des chefs d’oeuvre à moins de quarante ans. Beaucoup d’oasis glorieux semblent taris : le Japon, la Corée, même Hollywood, qui tourne toujours sur les mêmes noms. Il faut donc être attentif aux frémissements, ici ou ailleurs, pour que des jeunes cinéastes un peu fous aient leur chance de changer la donne.
Stéphane Delorme, éditorial, Cahiers du cinéma, n°661, déc 2010



* * *



... et l'original :

Tantôt le cinéaste du tiers-monde se trouve devant un public souvent analphabète, abreuvé de series américaines, égyptiennes ou indiennes, films de karaté, et c'est par là qu'il faut passer, c'est cette matière qu'il faut travailler, pour en extraire les éléments d'un peuple qui manque encore (Lino Brocka). Tantôt le cinéaste de minorité se trouve dans l'impasse décrite par Kafka : impossibilité de ne pas "écrire", impossibilité d'écrire dans la langue dominante, impossibilité d'écrire autrement [..] Il faut que l'art, particulièrement l'art cinématographique, participe à cette tâche : non pas s'adresser à un peuple supposé, déjà là, mais contribuer à l'invention d'un peuple. Au moment où le maître, le colonisateur proclament " il n'y a jamais eu de peuple ici ", le peuple qui manque est un devenir, il s'invente, dans les bidonvilles et les camps, ou bien dans les ghettos, dans de nouvelles conditions de lutte auxquelles un art nécessairement politique doit contribuer.
Gilles Deleuze, L'image-temps, 1988




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07 décembre 2010

David Lynch (Cinémathèque)


Ouverture de la rétrospective David Lynch (13 Oct - 1er Nov 2010)
sur Mulholland Drive
Cinémathèque Française, 13 Oct 2010, Paris


Rétrospective David Lynch
questions du public
Cinémathèque Française, 13 Oct 2010, Paris

28 novembre 2010

Roy Andersson cited by a Norwegian commercial

En Kärlekshistoria / A Swedish Love Story (1969/Roy Andersson/Sweden) trailer


Gullruter (2010/Henrik SUNDGREN/Norway) 45" Ad for Freia Chocolate company

22 novembre 2010

Panahi : le cinéma au tribunal


Plaidoyer de Jafar Panahi devant ses juges

Ce témoignage m’a été transmis par un journaliste : c’est le plaidoyer prononcé par Jafar Panahi devant ses juges, il y a une dizaine de jours, alors qu’il passait en procès à Téhéran. D’une grande dignité et d’un courage inouï, ce texte mérite d’être porté à la connaissance de tous. Je vous invite non seulement à le lire, mais à le faire lire à tous ceux autour de vous épris de liberté et qui aiment le cinéma. Tout ce que dit Jafar Panahi, avec justesse et modération, tend à prouver que ce procès n’a absolument pas lieu d’être.
Serge Toubiana
Traduction française tirée du blog de la Cinémathèque Française


« Votre honneur, Monsieur le Juge, permettez-moi de présenter mon plaidoyer en deux parties distinctes.


 Première partie : Ce qu’on dit.

Ces derniers jours, j’ai revu plusieurs de mes films favoris de l’histoire du cinéma, malgré le fait qu’une grande partie de ma collection ait été confisquée durant le raid qui a eu lieu dans la nuit du 19 février 2009 à mon domicile. En fait, Monsieur Rassoulof et moi-même étions en train de tourner un film du genre social et artistique, quand les forces qui proclamaient faire partie du ministère de la Sécurité, sans présenter aucun mandat officiel, nous ont arrêtés ainsi que tous nos collaborateurs, et du même coup confisqué tous mes films, qu’ils ne m’ont jamais restitués par la suite. Par la suite, la seule allusion jamais faite à ces films était celle du Juge d’instruction du dossier : « Pourquoi cette collection de films obscènes ? »

J’aimerais préciser que j’ai appris mon métier de cinéaste en m’inspirant de ces mêmes films que le juge appelait « obscènes ». Et, croyez-moi, je n’arrive pas à comprendre comment un tel adjectif peut-il être attribué à des films pareils, comme je n’arrive pas à comprendre comment on peut appeler « délit criminel » l’activité pour laquelle on veut me juger aujourd’hui. On me juge, en fait, pour un film dont moins d’un tiers était tourné au moment de mon arrestation. Vous connaissez certainement l’expression qui dit : ne dire que la moitie de la phrase : « il n’y a point de Dieu que dieu le grand » est synonyme de blasphème. Alors, comment peut-on juger d’un film avant qu’il soit même fini ?

Je n’arrive à comprendre ni l’obscénité des films de l’Histoire du cinéma, ni mon chef d’accusation. Nous juger serait juger l’ensemble du cinéma engagé, social et humanitaire iranien ; le cinéma qui a la prétention de se placer au-delà du bien et du mal, le cinéma qui ne juge pas et qui ne se met pas au service du pouvoir et de l’argent, mais qui fait de son mieux afin de rendre une image réaliste de la société.

On m’accuse d’avoir voulu promouvoir l’esprit d’émeute et de révolte. Cependant, tout au long de ma carrière de cinéaste, j’ai toujours réclamé être un cinéaste social et non politique, avec des préoccupations sociales et non politiques. Je n’ai jamais voulu me placer en position de juge et de procureur ; je ne suis pas cinéaste pour juger mais pour faire voire ; je ne tiens pas à décider pour les autres ou leur prescrire quoi que ce soit. Permettez-moi de redire que ma prétention est de placer mon cinéma au-delà du Bien et du Mal. Ce genre d’engagement nous a souvent coûté, à mes collaborateurs et à moi-même. Nous avons été frappés par la censure, mais c’est une première que de condamner et d’emprisonner un cinéaste afin de l’empêcher de faire son film ; et il s’agit d’une première aussi que de rafler la maison dudit cinéaste et de menacer sa famille pendant son « séjour » en prison.

On m’accuse d’avoir participer aux manifestations. La présence des caméras était interdite durant ces démonstrations, mais on ne peut pas interdire aux cinéastes d’y participer. Ma responsabilité en tant que cinéaste est d’observer afin de pouvoir un jour en rendre compte.

On nous accuse d’avoir commencé le tournage sans avoir demandé l’autorisation du gouvernement. Dois-je vraiment préciser qu’il n’existe aucune loi promulguée par le parlement concernant ces autorisations. En fait, il n’existe que des circulaires interministérielles, qui changent au fur et à mesure que les vice-ministres changent.

On nous accuse d’avoir commencé le tournage sans avoir donné le scénario aux acteurs du film. Dans notre genre du cinéma, ou on travaille plutôt avec des acteurs non professionnels, c’est une manière de faire très courante pratiquée par presque tous mes collègues. Un chef d’accusation pareil me semble relevé plutôt du domaine de l’humour déplacé que du domaine juridique.

On m’accuse d’avoir signé des pétitions. J’ai en fait signé une pétition dans laquelle 37 de nos plus importants cinéastes déclaraient leur inquiétude quant à la situation du pays.  Malheureusement, au lieu d’écouter ces artistes, on les accuse de traîtrise ; et pourtant, les signataires de cette pétition sont justement ceux qui ont toujours réagi en premier aux injustices dans le monde entier. Comment voulez-vous qu’ils restent indifférents à ce qui se passe dans leur propre pays ?

On m’accuse d’avoir organisé les manifestations autour du Festival de Montréal ; cette accusation n’est basée sur aucune logique puisque, en tant que directeur du jury, je n’étais à Montréal que depuis deux heures quand les manifestations ont commencé. Ne connaissant personne dans cette ville, comment aurais-je pu organiser un tel événement ? On ne tient pas à s’en souvenir peut-être, mais durant cette période, partout dans le monde où il se passait quelque chose, nos compatriotes se rassemblaient afin d’exprimer leurs demandes.

On m’accuse d’avoir participer aux interviews avec les médias de langue persane basés à l’étranger. Je sais qu’il n’existe aucune loi interdisant un tel acte.


Deuxième partie : Ce que je dis.

L’artiste incarne l’esprit d’observation et d’analyse d’une société à laquelle il appartient. Il observe, analyse et essaie de présenter le résultat sous la forme d’une œuvre d’art. Comment peut-on accuser et incriminer qui que se soit en raison de son esprit et de sa façon de voir les choses ? Rendre les artistes improductifs et stériles est synonyme de détruire toutes formes de pensée et de créativité. La perquisition effectuée chez moi et l’emprisonnement de mes collaborateurs et de moi-même, représentent le raid du pouvoir effectué contre tous les artistes du pays. Le message convié par cette série d’actions me paraît bien clair et bien triste : qui ne pense pas comme nous s’en repentira…

En fin de compte, j’aimerais aussi rappeler à la cour une autre ironie du sort me concernant : en fait, l’espace consacré à mes prix internationaux au musée du cinéma à Téhéran est plus grand que l’espace de ma cellule pénitentiaire.

Quoi qu’il en soit, moi Jafar Panahi, déclare solennellement que malgré les mauvais traitements que j’ai dernièrement reçus dans mon propre pays, je suis Iranien et que je veux vivre et travailler en Iran. J’aime mon pays et j’ai déjà payé le prix de cet amour. Toutefois, j’ai une autre déclaration à ajouter à la première : mes films étant mes preuves irréfutables, je déclare croire profondément au respect des droits d’autrui, à la différence, au respect mutuel et à la tolérance. La tolérance qui m’empêche de juger et de haïr. Je ne hais personne, même pas mes interrogateurs puisque je reconnais ma responsabilité envers les générations à venir.

L’Histoire avec un grand H est bien patiente ; les petites histoires passent devant elle sans se rendre compte de leur insignifiance. Pour ma part, je m’inquiète pour ces générations à venir. Notre pays est bien vulnérable et c’est seulement l’instauration de l’état de droit pour tous, sans aucune considération ethnique, religieuse ou politique, qui peut nous préserver du danger bien réel d’un futur proche chaotique et fatal. A mon avis, la Tolérance est la seule solution réaliste et honorable à ce danger imminent.


Mes respects, Monsieur le Juge,

Jafar Panahi, cinéaste iranien


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18 novembre 2010

Ironic remakes (Social network)

nice segue...


If other directors made The Social Network (CollegeHumor, 16 Nov 2010)
Wes Anderson, Michael Bay, Christopher Guest, Quentin Tarantino, Guillermo del Toro, Frank Capra

Related :

17 novembre 2010

Doublures d'auteurs

Et si les œuvres changeaient d'auteur? (Pierre Bayard, 2010) extrait PDF
Il est étonnant que les changements d’auteur soient si peu pratiqués par les critiques, alors qu’ils le sont régulièrement par les historiens lorsqu’ils se rendent compte d’une erreur d’attribution, et par les créateurs eux-mêmes lorsque, dans le souci d’améliorer leur image, ils prennent un pseudonyme ou falsifient des éléments de leur biographie.
Si ces changements méritent d’être généralisés, c’est qu’ils permettent de découvrir les œuvres sous un angle inhabituel. Attribuée à un nouvel auteur, l’œuvre demeure certes matériellement identique à elle-même, mais elle devient dans le même temps différente et prend des résonances inattendues qui enrichissent sa perception et stimulent la rêverie.
Fidèle aux leçons de Borges, qui suggérait de lire autrement Don Quichotte en l’attribuant par fiction à un écrivain du 20e siècle, je propose donc de multiplier ces changements d’auteur et de les faire jouer dans les champs esthétiques les plus divers, en supposant par exemple que Tolstoï est l’auteur d’Autant en emporte le vent, Schumann du Cri ou Hitchcock du Cuirassé Potemkine.
On mesure les conséquences positives que pourrait avoir l’extension de cette pratique dans l’enseignement, où, déjà familière aux élèves, elle permettrait de revisiter à moindre frais les grands classiques. Et dans la recherche scientifique, où, en conduisant à réfléchir sur le style de Balzac dans La Chartreuse de Parme ou sur les raisons pour lesquelles Nietzsche a écrit Les Frères Karamazov, elle contribuerait à ouvrir des voies nouvelles.


L"Etranger de Kafka, Le Cuirassé Potemkine d’Hitchcock… En changeant seulement le nom de l’auteur, l’œuvre devient autre. L’iconoclaste Pierre Bayard le démontre par a + b critique par Elisabeth Philippe (Les Inrockuptibles, 27 octobre 2010)

Cela donne des intitulés de chapitres aussi déconcertants que « L’Etranger de Franz Kafka », « Autant en emporte le vent de Léon Tolstoï » ou encore « L’Ethique de Sigmund Freud ». Tout le propos de cette démarche théorique décalée, qui évoque bien sûr la nouvelle « Pierre Ménard, auteur du Quichotte » de Borges, consiste à montrer que le nom de l’auteur, lesté de toutes les représentations et images qui s’y rattachent - car « tout nom d’auteur est un roman » –, biaise l’accès à un texte. L’« écran biographique » parasite la lecture, la fige dans une réception étriquée, dans la mesure où l’on projette sur l’œuvre ce qu’on sait ou croit savoir de son auteur. Conscients de cet écueil, certains écrivains se sont inventés des identités artificielles, et Pierre Bayard revient sur deux des exemples les plus célèbres : Romain Gary/Emile Ajar et Boris Vian/Vernon Sullivan.
Si on voulait jouer les pisse-froid, on pourrait rétorquer à Pierre Bayard que cette question du rapport œuvre/auteur a été réglée par Roland Barthes en 1968 lorsqu’il a proclamé « la mort de l’auteur ». Sauf que l’approche de Barthes, qui implique de ne considérer l’œuvre que pour elle-même, plus radicale que celle de Bayard, est aussi nettement moins ludique et peut-être, même, moins féconde.
Aussi gonflée et invraisemblable que paraisse la thèse de Pierre Bayard, elle s’avère extrêmement convaincante. Ainsi, par exemple, en inscrivant L’Etranger dans le corpus kafkaïen, Bayard met en relief la dimension de critique sociale et politique présente dans le roman « qui s’y trouvait certes, mais à bas bruit ». Changer le nom de l’auteur permet une nouvelle mise en perspective de l’œuvre, l’enrichit et en rénove la lecture en profondeur, si tant est que le lecteur, dont la créativité et l’imagination sont pleinement sollicitées, accepte de jouer le jeu. Il aurait tort de se priver de ce plaisir.

16 novembre 2010

Imposture 3

Watch JLG fans justify antisemitism

Jean-Luc Godard is honored belatedly with a "career achievement award" by the Oscars Academy (AMPAS) on Nov 13th 2010. Better late than never you say? Well apparently he's too old now to fly to LA to receive his statuette, so maybe it is too late. The academy only had 50 years to find a slot available for one of the leader of La Nouvelle Vague. Still, it's better to give awards BEFORE the artists are dead...
Let's appreciate the hypocrisy of the Academy, who, in general, doesn't care for JLG's kind of cinema, for his projects to work in Hollywood, for watching and/or distributing his films to the American public. Godard is just the funny provocateur that the intellectual-sensationalist press likes to exploit. And frankly he's become a caricature of himself over the years, while his outmoded hardcore fans are in total denial : "OMG he has put out a fast-forward trailer of his last film, this guy is so ahead of us!!!!" Bo-ring...

The problem is not the award itself, which Godard deserves (or deserved at some point in the past) no less than another senile cinephiliac icon that lines up the nominee list every year. Film culture really shames itself when championning the artist's œuvre is equated with justifying the individual's personal opinions on antisemitism. The same "critics" who lecture us about the word "ethics"! How could we call that "criticism"?


The fact that Godard's questionable ethics comes up in the press now, is purely opportunistic, of course. Just like Jonathan Rosenbaum thought that the week of Ingmar Bergman's funeral was the best moment to question his legacy. But you won't read Rosenbaum's opportunist Op-Ed in the New York Times this week to question Mr Godard's dodgey positions on Israel... because Monika's full frontal nudity is a much bigger issue than declaring that the victims of the Shoah "asked for it"... Fanboys can always beat around the bush and strive to make it sound like a clever comment. This is exactly when you realise that TASTE is what shapes and dictates anything that film scholars write. They will justify ANYTHING in order to promote their favourites at the expense of everything else, aesthetic standards, academic rigor and ethical values. Double standards keeps delusion alive.

Fanboys Denial
  • Bernard-Henri Lévy : "Jean-Luc Godard est un antisémite qui essaie de se soigner"; "Que le rapport de Godard au fait juif soit complexe, contradictoire, ambigu, que son soutien du début des années 70, dans « Ici et ailleurs » par exemple, aux points de vue palestiniens les plus extrémistes fasse problème, qu’il y ait dans les « Morceaux de conversations » d’Alain Fleischer (2009) des séquences que je ne connaissais par définition pas lorsque furent lancés chacun de ces projets et qui, aujourd’hui, m’ébranlent, cela est incontestable. Mais déduire de tout cela un péremptoire « Godard antisémite ! » et s’appuyer sur cet antisémitisme supposé pour, en une démarche de plus en plus courante en cette basse époque de police de l’art et de la pensée, tenter de disqualifier l’oeuvre entière, c’est faire injure à un artiste considérable en même temps que jouer avec un mot – l’antisémitisme – à manier, je le répète, avec la plus extrême prudence." (Le Point)
  • MPAA : “The Academy is aware that Jean-Luc Godard has made statements in the past that some have construed as anti-Semitic. We are also aware of detailed rebuttals to that charge. Anti-Semitism is of course deplorable, but the Academy has not found the accusations against M. Godard persuasive.”
  • Lynne Littman (a governor from the documentary branch at the Oscar Academy) : “He never used his art to promote bigotry” (NYT)
  • Tom Sherak (President of the Oscar Academy) : "I support the Board of Governors, they decided to give an honorary Oscar to Godard for his contributions to film during the early years of the French New Wave era. The academy has traditionally separated the art form from the honoree's personal life." ; "We've given awards in the past to people like Roman Polanski and Elia Kazan whose personal lives were often far from perfect. They did objectionable things and we've been criticized for giving them awards. But that's not what's at issue here. We've always felt the art form outweighs the personal transgressions."  (LAT)
  • Patrick Goldstein : " I wish all of our most gifted artists had hearts of pure gold, like the gleaming Oscar statuettes, but we don't live in a world of pristine good and evil. Many of our idols have feet of clay. " (LAT
  • Dominique Païni : "Il pense en image. Je ne pense pas qu'il pense juste quand il pense idéologiquement, mais comme Alain Fleischer l'a souvent dit, il pense juste en image, et pas toujours juste avec les mots. " (Pompidou)
  • Alain Fleischer : "Il a absoluement besoin de cette figure de l'artiste malheureux, mal aimé. Il flirte d'ailleurs un peu avec des figures genre [Louis Ferdinand] Céline :  comme ça, un peu odieux, en même temps fascinant. Il a vraiment besoin de ça. Il a un sens infaillible de ce qu'il faut faire pour être dans le mythe, sans se faire rattraper par l'histoire classique" (Pompidou)
  • Antoine de Baecque : "Non, Jean-Luc Godard n'est pas antisémite !" ; "[JLG] se caractérise par un antisionisme virulent, une solidarité profonde, y compris parfois aveugle, avec les Palestiniens, et un rapport permanent, interrogatif, critique, parfois obsessionnel, mais jamais haineux ni antisémite, au « fait juif »."; "Ce sens -les anciennes victimes sont devenues les bourreaux- est sûrement excessif, historiquement et philosophiquement, mais il n'est pas antisémite." ; "Mais ceci relève de l'histrionnisme intellectuel et médiatique, non pas de l'antisémitisme." ; "Jean-Luc Godard devrait aller recevoir son Oscar, le 13 novembre, avec sérénité et fierté, le regard droit, le salut fraternel. Il n'a pas besoin de raser les murs ou de jouer les abonnés absents." ; "Et les autorités culturelles françaises, Frédéric Mitterrand depuis son ministère, Véronique Cayla depuis le Centre national du cinéma, devraient quant à elles apporter leur soutien officiel à un cinéaste franco-suisse dont l'œuvre a contribué, depuis cinquante ans, à la réputation de la France dans le monde." (rue89)
  • Olivier Séguret : "A l’origine des accusations d’antisémitisme à l’encontre de Godard, on ne trouve concrètement aucun comportement factuel ni aucune déclaration précise du principal intéressé, mais plutôt un faisceau de charges et de réquisitoires lancés à son endroit par quelques personnalités plus ou moins bienveillantes, mais souvent mal inspirées. [..] Godard parle mal et c’est cela, souvent, qui fait du bien. [..] Plus largement, et au-delà même des phénomènes d’accélération hystérique produits par les médias modernes dès que s’agite une rumeur ou une polémique, on peut éprouver une mélancolie un peu lasse devant la rhétorique du procès en antisémitisme lorsqu’elle fleurit hors de propos. L’accusation est trop grave pour être livrée sur le mode du soupçon, du racontar ou du raccourci idéologique. Le virulent antisionisme de Godard n’a rien à voir avec de l’antisémitisme, et il faudra beaucoup d’acharnement et de mauvaise foi pour faire passer l’auteur d’A bout de souffle, du Mépris ou de Sauve qui peut (la vie) pour un nouveau Céline." (Libé)
  • Jean-Baptiste Morain : "Pourquoi adore t-on (quand même) Godard? Aujourd'hui, il est de bon ton de dire du mal de Jean-Luc Godard." (Les Inrocks)
     
To conflate and confuse the œuvre with the political alignment is fallacious when it comes to awarding an Oscar for the films themselves. Alright. It is equally fallacious to brush off the serious accusations of antisemitism because his œuvre deserves an award. These are separate issues. Let him have his Oscar, for what it's worth in the industry of Spectacle and superficial glory (do we look towards Hollywood for moral guidance and integrity?). But don't make him an angel and dismiss the untimely hot issue that might "rain on his parade". His rampant provocations date back from the 70ies and the controversy has been raised many times BEFORE his Oscar nomination. Defending his right to receive an Oscar shouldn't lead fanboys to evade, deny and refute the evidences. 
How convenient sometimes to dissociate the worldview of the man from the worldview of the auteur... once it's what gave substance and interest to an œuvre, now it is a trivial sideline that shouldn't tarnish the accomplishment of films preserved out of context. Oh the irony of the auteur theory!

Defending Palestine is a noble cause. The occupation by Israel of Palestinian territories is never a justifiable means. Terrorism isn't a justifiable means either. Somehow Guantanamo and the Great Wall of Mexico is "OK" for USA to defend itself from terrorism and "illegal aliens". I don't think Israel has had as much blood on its hands as other imperialist powers of the last century, which includes the USA, the UK, Russia, Germany or France (all had their share of bloodbaths, colonial occupation and wars, killing squads and black ops on a magnitude much superior to what happened in the Middle East around the same period). When Godard puts the attrocities committed by the state of Israel on Palestine or Lebanon to the level of what Nazis did during WW2, this is not only an outrageous sense of proportions but the very definition of Negationism. I'm sorry, there is no possible ethical way to justify such insulting statements. It's not clever, it's not insightful. It's not a topic for jokes of this nature either. The defense of oppressed people on a political level doesn't justify xenophobia on a discriminatory level. I doubt that pushing an anti-Zionist political agenda requires the use of anti-Jewish slur, discriminatory/racist remarks, antisemitism or negationism. That would be poor condemnable judgement.
If Mr Godard can't tell the difference between defending human rights in Palestine and racism, I'm afraid he's a desastrous advocate for his cause.


Godard : the French Mel Gibson (evidences)

1968 : JLG insulte de "sale juif" son producteur Pierre Braunberger.
mars 1968 : lettre de Pierre Braunberger à François Truffaut :
“Je ne pardonnerai jamais à Godard son antisémitisme. L’antisémitisme n’a porté bonheur à personne, ni au génial (et déjà godardien) Céline, ni au médiocre Autan-Lara. Je sais que maintenant vous ne pouvez que mépriser Godard sur le plan humain. “Sale Juif” est la seule insulte que je ne peux supporter, insulte qui me donne le goût de vengeance, un désir de meurtre. Si vous saviez ce que ces mots évoquent en moi, ce qu’ils font resurgir d’un passé encore si douloureux, vous viendrez m’embrasser. Votre ami Juif qui vous doit tant de son bonheur juif.”

Une femme mariée (1964/JLG) : "Pourquoi les coiffeurs?"

Deux ou trois choses que je sais d'elle (1966/JLG) :  remarque à propos du magazine Paris-Match “qui donne toujours une étoile à mes films, comme aux Juifs”

1973 : à Jean-Pierre Gorin qui réclame sa quote-part sur les droits d'un film tourné en commun, JLG lui répond : "Ah, c'est toujours la même chose, les Juifs vous appellent quand ils entendent le bruit du tiroir-caisse"


Ici et ailleurs (1976/JLG/Miéville/Gorin) excerpt
compares Golda Meir (then head of state of Israel) with Hitler in a video montage, and describes a young girl reciting a pro-Palestinian poem as a mimicry of the French Revolution...
"Les Juifs font aux Arabes ce que les nazis ont fait aux Juifs"


Dick Cavett's 1980 interview (video) : about Vanessa Redgrave [PLO supporter who said the state of Israel shouldn't exist] being cast as an Auschwitz concentration camp survivor in Playing for Time, Arthur Miller's television drama based on Fania Fenelon's memoirs:
JLG : "I don't understand what does it mean [the scandal]. Doesn't everyone has a right to be in a concentration camp? I mean from what I heard, why Vanessa can't be in a movie playing a ... why not? Because she supported PLO? [..] I don't understand. She's a good actress, a good girl. Maybe she'll understand better her support of PLO by playing her character. [..] Right or wrong. There is nothing like one image. An image is always the result of the shock of two images."
Cavett : But the woman she played wanted [Vanessa Redgrave] out of [the film cast]
JLG : "Let's ask the woman [Shoah survivor] to play it. If she is better than Vanessa... Or maybe let's ask the woman to make a test, to play an unknown Palestinian woman and maybe it will change her point of view then."


Cannes 1988 press conference (video) :
JLG : "This is the enemy. Not him the man, but the culture. [..] You even smile to them... I'm not even revolting. The way you have to shoot me is so disgusting, that it's no wonder that people after like LePen [far Right nationalist/racist party in France] say that concentration camps is only a detail. It comes from that way of looking at things. With TV, you can't even think of something different. With movie you can. And that's why there is this strange love/hate affair between TV and movie."

Notre Musique (2004/JLG)
Champ : les Israéliens marchent dans l’eau vers la Terre promise.
Contrechamp : les Palestiniens marchent dans l’eau vers la noyade.
"Les Israélites vont vers la Terre promise, les Palestiniens vont vers la noyade. Le peuple juif rejoint la fiction, le peuple palestinien le documentaire." 

Débat radiophonique JL Godard - Stéphane Zagdanski (4 Nov 2004)
- n°15 : Bible, Talmud et Mallarmé (il n'y aura jamais 4 milliards de juifs, JLG répond "heureusement, c'est très bien", du fait qu'ils ne soient que 20 millions)
- n°33 : Juifs exterminés, palestiniens suicidaires
JLG : "Même chez Hannah Arendt, elle critique beaucoup le côté 'ils n'ont rien fait [les victimes de la Shoah]', qu'ils se sont laissés emmener comme des moutons. [..] Je me suis mis à penser que c'est eux qui ont sauvé Israël. Il y a eu 6 millions de kamikazes. [..] Peut-être pas le dire comme ça, mais c'est eux qui ont permis que ça survive et qu'il fallait se sacrifier. [..] Isaac a été sauvé, il ne s'est pas sauvé lui-même. Alors que les 6 millions, ou moins ou plus, se sont sauvés eux-même en se sacrifiant; et disons, sauvés, ce qu'aucun peuple n'a fait. [..] C'était pas une démission. Et les films à faire dessus, ou les textes, ceux-là n'ont jamais été faits. [..] Et même quelqu'un d'aussi fin, et quand même assez intelligente, et résistante qu'Hannah Arendt, elle en parle pas bien de ça. Parce que elle justement s'est 'sauvée'. Elle a été poursuivi et elle s'est sauvée. [..] [les juifs d'Europe de l'Est] se sont laissés... [massacré] ils l'ont voulu un peu. Inconsciemment. Faudrait demander à Freud."

interview de Jean Narboni en 2008, cité par Alain Fleischer (dans son livre : "Court-circuits", 2009) :
JLG : « Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un Etat palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’Etat d’Israël. »


Morceaux de conversation avec Jean-Luc Godard (2010/Fleischer) :
JLG : "Les Israéliens sont arrivés sur un territoire qui est celui de leur fiction éternelle depuis les temps bibliques..." Jean Narboni lui fait remarquer que le mot "fiction" est choquant. "Alors, réplique-t-il, on dira que les Israéliens sont sur TF1, c’estla télé-réalité. Et les autres, dans un film de Frédéric Wiseman" [..] "Un catholique, je sais ce que c’est : il va à la messe, mais un juif, je ne sais pas ce que c’est ! Je ne comprends pas !" 


"Godard" biographie d'Antoine de Baecques, 2010 :
"À plusieurs reprises, Jean-Luc Godard est revenu, ou reviendra encore, sur cette question: il se définit clairement comme pro-palestinien et antisioniste, ne cesse d’établir un lien entre l’extermination des Juifs dans les camps de la mort nazis, la fondation de l’État d’Israël, l’impossibilité de régler le conflit israélo-palestinien, et plus géné rale ment la guerre entre Juifs et Arabes. Comme si une malédiction historique pesait sur cette généalogie: Israël, né dans les camps nazis, se vengerait sur les Palestiniens de l’Holocauste, ce qui justifie tous les actes de résistance arabe, y compris le terrorisme, puisque, d’après Godard, Israël serait une forme paradoxale de résurgence historique du nazisme" [..] “Israël n’est plus considéré comme un pays victime, faible et persécuté, mais comme un État surarmé, protégé par les États-Unis et deux fois vainqueur. Dans un petit documentaire tourné en 1970 par la télévision allemande, Godard tient devant son visage un tract militant où figure la contraction “NazIsraël”, et lance au caméraman: “Tu nous fais un chèque de la télévision allemande qui est financée par les Sionistes et par ce connard de social-démocrate, Willy Brandt, et ça nous permettra d’acheter des armes pour les Palestiniens pour attaquer les Sionistes…”  

Film socialism (2010/JLG) : "Hollywood chose étrange, les juifs l'ont inventé"


« Le droit d’auteur ? Un auteur n’a que des devoirs » interview de Jean-Marc Lalanne (Les Inrockuptibles, 18 mai 2010)
"Si les Palestiniens et les Israéliens montaient un cirque et faisaient un numéro de trapèze ensemble, les choses seraient différentes au Moyen- Orient." ; "Comme on a pu dire “le régime iranien est un mauvais régime”, il faudrait dire “le régime suisse n’est pas bon”" ; En ce qui concerne la Suisse, je pense comme Kadhafi : la Suisse romande appartient à la France, la Suisse allemande à l’Allemagne, la Suisse italienne à l’Italie, et voilà, plus de Suisse !"

discussion avec JLG à Paris lors de la projection de film socialism (Mediapart/Arte, 18 Juin 2010) :
“Tous les matins, avec mes voisins on parle de nos animaux et pendant une demie-heure c’est la paix” (après avoir proposé de distribuer des chiens aux Israéliens et aux Palestiniens, afin de leur fournir un sujet de conversation apaisant)

interview de Matthias Lerf, Sonntagszeitung, 7 Nov 2010 (version sur l'Hebdo):
JLG : "Quand on est plutôt pour les Palestiniens que pour les Israéliens, on est tout de suite un antisémite. Or, de nombreux peuples de la Méditerranée sont sémites: les Syriens, les Nabatéens. Antisémite signifie aussi antipalestinien. Mais à cause de ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale, à cause de l’Holocauste, il y a des gens en Israël qui ont ce mot pour tout capital. Je ne trouve pas ça bien."


Some are just lame jokes in bad taste, some are disturbing baseless conflations, some are insensitive/inhumane remarks, some are idiotic syllogisms and puns, some are intentional confusions between the words "jew" and "Israeli", or "Israeli government since 1967" and "Jewish people", some are plain Jewish slur, some are borderline negationism, some are ethnic-based blanket discrimination, some are typical anti-Jewish proganda... I don't think anyone who isn't a bit antisemitic could collect such list of confounding statements by chance alone. Obviously there is a characterized resentment in Godard against more than just the occupant of Palestine.




Godard is a has-been. He admits himself that he loves to speak for no reason, to debate about anything, that he hasn't read the books he cites, that he's not knowledgeable in philosophy or litterature. And you don't need to hear it from him to figure it all out. His speeches are all play on words, random word associations, pub-grade pseudo-philosophy, arguable half-baked political opinions. He has a bag of limited "ideas", some "mots d'auteurs", that he repeats over and over, like a senile grandpa, in every interviews in the past 20 years! Real thinkers can come up with new ideas faster than that, they don't rely on a stock of outdated anecdotes. He's a narcissist tool who enjoys showing off to get attention. 
It's baffling to imagine that any educated scholars could listen to him 5 mins and feel like he's any kind of genius, that we need to know his superficial opinions about difficult subjects he fails to grasp in the most basic manner. He's a jester, a provocateur if you will, but he's no thinker. Even Deleuze, fanboy of JLG, was uncomfortable with his tendency to anti-semitism. 
Godard is a filmmaker. He makes films. We may engage with him on the dimension of cinema, about aesthetics, about mise en scène, about creation, if you really care about his cul de sac niche of cinema. But he never proved to be any relevant, insightful, helpful in the domain of real world politics, history, morality or philosophy. Even in the content of his films. He's only remotely capable at science fiction.

Time to find yourself another idol to worship if you're a JLG fanboy. It's tough to admit to yourself that your father-figure is a nasty hater, right?


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03 novembre 2010

Les garde-fous


Les maîtres fous (1955/Jean Rouch/France) excerpt
Mock ceremony (under drugs influence) attacking the colonial authorities, in Ghana, with cathartic profanities and role playing


Mock wedding ceremony ($1,300) of a Swiss couple in Maldives (Vilu Reef Resort), proudly exhibited online before netizens translated the covert cathartic profanities in Dhivehi language and role playing by the commentators, against the touristic imperialism (Oct 2010)

29 octobre 2010

Thumbs action

Evolution of culture in 2000 years

Roman circus crowd thumbing down the life of a gladiator = instant death penalty (2000 years ago)
[painting : Pollice Verso (1872) by Jean-Léon Gérôme : exposition au musée d'Orsay]
Le Pouce de César Baldaccini (1965)
Gene Siskel & Roger Ebert's Two Thumbs Up® registered trademark phrase (since 1982?)
Facebook brain-less criticism : mouse-click your way through culture (since 2006)
Know your symbols ! it's called History

28 octobre 2010

Creative Controls (16 obstructions)

STUDIO SYSTEM
(formated asceptisation)
Independent Auteurs
(artistic freedom)
Protectionism (nationalist isolationism)Transnational coproductions
Greed (profit-driven investments)Patron of the Arts (unbinding funding)
Mercantilisation (repeating past profitable recipes)Risk-taking innovations
Remakes (appropriation/exploitation of foreign culture)Original versions (respect of foreign culture)
Contractual obligations (plot serves acting line up)Impulse casting (actors serve the story)
Star System (bankable actors)New faces, non-actors
Genres (standard blueprints)Freestyle, improvisation, experiments, hybridation, essays
Screenwriters guild Merit-based natural selection
Industrial Unions (corporatist interests dictating working conditions)Film crew determined by mutual admiration
Panels / Screen tests / Focus groups (marketing tuning)Director's final cut (auteur's creative control)
Fake screen reality (Product placement / Smoking ban / Brandless products / phony telephone numbers)Screen reflecting everyone's dailylife (without advertising for a particular product)
PETA (patronizing animal rights)Reason, common sense, personal ethics
Academism (professional routine, film school formatisation, tried and true recipes)Experimental researches, multi-disciplinary education
Post-prod sound (self-dubbing actors, fake ambient soundscape, stock sounds)Direct sound (contextualized voices, real environment, realistic and flawed soundscape)
MPAA (imposed hypocritical morality)Freedom of art, confronting taboos, pushing cultural boundaries
Oscars (fraudulent consensus, national-centric industry)Major Festivals (world class emulation)

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24 octobre 2010

Octobre (Eisenstein)


Cours de cinéma : “Octobre” d'Eisenstein par Valérie Pozner15 Oct 2010 (forumdesimages)  1h39'
"Octobre" de Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein analysé par Valérie Pozner, chargée de recherches au CNRS, historienne du cinéma, spécialiste de l’histoire du cinéma russe et soviétique.
Valérie Pozner évoque le prodigieux film expérimental qu’est Octobre d’Eisenstein, “témoignage peut-être inexact, mais plus vrai que l’Histoire” (Jean de Baroncelli, Le Monde), symphonie visuelle très en avance sur son temps, mais aussi un des sommets de l’abstraction cinématographique. Elle replace le film dans son contexte historique et dans la carrière du cinéaste.

Gigantisme hollywoodien (Badiou)

« Hollywood ? Le gigantisme d’une espèce qui va disparaître » interview d'Alain Badiou, dans Libération (20 octobre 2010)
Libé : Quelle part y occupe l’industrie ?

Alain Badiou : Dans un article célèbre, André Malraux concluait par une phrase : « Par ailleurs, le cinéma est une industrie. » C’est la clé de son impureté : le cinéma est étayé à tous les étages — production, diffusion, publicité — par des capitaux colossaux et gloutons. La dimension artistique naît du mouvement par lequel le cinéma tente et parvient à dominer cette impureté constitutive. Mais cette domination est toujours partielle et, fût-ce dans un chef-d’œuvre, il y aura des traces des circonstances, des capitaux, de la technique. Il suffit de s’arrêter sur une image pour trouver des zones non contrôlées : un élément de décor, une couleur, une intonation. Car les paramètres sont trop nombreux pour être tous maîtrisés. Même chez les théoriciens de l’épuration, comme Bresson, des choses échappent à l’artiste. Il y a ce qu’on veut montrer et ce qu’on montre, la part de la forme artistique et la part de ce qui, dans le monde, résiste à la représentation, de ce qui est là par hasard.
Lorsque les tournages sont passés du studio au plein air, ce fut une libération, car la reconstitution en studio est forcément stéréotypée ; mais aussi un risque, car le studio permet un meilleur contrôle de l’image. En plein air, la place du hasard est plus grande et il faut faire confiance à l’œil, à sa capacité à capter le moment passager. C’est pourquoi, quand la combinaison de la forme et du réel est réussie, cette réussite prend la forme de la grâce : c’est la visitation de l’Idée (au sens platonicien) dans un monde impur. Le cinéma est un art de la visitation.


Libé : Peut-on dire qu’Hollywood produit encore des chefs-d’œuvre ?

Alain Badiou : À l’intérieur des limites propres aux différents genres hollywoodiens, il peut parfaitement y avoir des réussites. Néanmoins, il est probable que la veine des œuvres importantes soit en voie d’épuisement. Voyez les deux King Kong : par rapport au premier, tourné en 1933 et très artisanal, le second, celui de 1976, est beaucoup plus une « grosse machine ». Or, le premier est le meilleur. Pourquoi ? Parce que l’amélioration des moyens techniques, censée résoudre des difficultés, ne cesse en réalité de créer de nouveaux problèmes artistiques. Le parlant a entraîné un bavardage souvent pénible (aujourd’hui encore, Godard continue de travailler sur l’équilibre son-image). La couleur a donné des réussites — je pense à certaines séquences de Vincente Minelli —, mais, en général, on a l’impression qu’elle échappe au travail artistique, qu’on prend la couleur qui se trouvait là. Quand au virtuel, gigantesque agrandissement du visible, qu’en restera-t-il une fois passé l’effet de stupéfaction ?

Le cinéma hollywoodien est entré dans une phase néoclassique, repérable dans ses bandes-son (basses crépusculaires, grognements abyssaux), dans ses mouvements de caméras empruntés à l’esthétique du clip (bougés, ralentis, mouvements ascensionnels…), dans son idéologie millénariste, mettant en scène un pouvoir étatique et militaire menacé d’effondrement, et un sauveur qui, dans les plus mauvais films, est le président des Etats-Unis lui-même !

Toujours plus grand, plus fort : on dirait le gigantisme d’une espèce qui va disparaître. Il ne faut pas oublier que, dans la seconde partie du XIXe siècle, au moment même où le style pompier marquait l’apogée des techniques picturales de figuration, la peinture allait choisir une toute autre direction.
Lire aussi:

21 octobre 2010

Random Factoid 2 : Apichatpong

"Hello, I'm Apichatpong Weerasethakul"
Yes, you heard it. He didn't introduce himself as "Joe" to the YouTube-Guggenheim audience, so don't be a smartass. In print especially, you don't need to be overly familiar and substitute his real name by a westernized nickname. This is so condescending for non-English artists, and so infantilizing for the English readers who might be afraid of such a long name. Remnants of colonialism that a country like Thailand doesn't need right now. Make foreigners use your own language to "fit in" or else the western audience shall not make the effort to remember you... (see Bourdieu's cultural capital). I don't care if Apichatpong himself, humbly invites his English interviewers to call him "joe" (probably because the mispronounciation is exasperating), it should be a mark of respect to decline and MAKE AN EFFORT. He's a Palme d'Or winner now. In written form you, nor your readers, do not have to pronounce it, so there is really no reason to use a demeaning shorthand in an article. If YouTube users can make the effort, we could expect the film criticism literates to be able to do as much! Arnold Schwarzenegger  kept his full name for his bodybuilding career, his movie career and his political career without any colonialist censorship... so learn how to copy/paste (CTRL+CV for the lazy ones) a name hard to spell if your memory is that bad.
"Foreign films" already are subtitled in approximate translation, and their titles is translated and westernized, to provide a vulgarized version for an audience who doesn't speak the film's native language... but why should a family name be truncated out of laziness? Respect world cultures and try to meet half-way the works of art that are not part of your usual culture.

The ultimate remake, not only remaking (rebranding) foreign culture (foreign scripts) to appropriate creative talents that aren't theirs, Western countries would like to re-name foreign artists, to christen them so that sounds less otherworldly and more familiar, integrated, digested, assimilated in a world that knows no Others.


HAVE YOU SEEN THIS BOOK COVER ANYWHERE???

HAVE YOU SEEN THESE FILM POSTERS ANYWHERE???





NO? THEN STFU ALREADY!


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25 septembre 2010

If critics cared about ethics...

... we'd heard about it in the news a while ago.

If critics knew about ethics (actual credentials) and meant to respect its values (moral standards) they would :
  • NEVER lie, make stuff up to make a point
  • NEVER be hypocritical, say something and do the opposite
  • NEVER pretend to be someone else just to say what they really mean
  • NEVER teach "ethics" the wrong way, with oversimplifications and misunderstandings
  • NEVER abuse the institutional authority granted by the aura of a serious publication to spew misinformation and subjective half-truth
  • NEVER plagiarize or corrupt journalistic content
  • NEVER work for a corrupt employer with conflict of interest or unethical positions
  • NEVER condone censorship of any kind (or limitation of the freedom of expression), either in film creation, in film circulation, in writing or publication, be it for partisans or detractors.
  • NEVER approve and/or legitimize the publication of an incorrect/deceiving article, be it theirs or one they are aware of.
  • NEVER fly half-way across the world to review a movie that premiered in their own town.
  • NEVER try to disguise/forge/misrepresent an argument in order to conceal the truth and overinflate either a positive side or a negative side to win over a misinformed/brainwashed readership dishonestly.
  • NEVER accept privileges (junkets) or retributions (bribe) that endanger the integrity of their independent scrutiny.
  • NEVER owe journalistic favors (dictating the content/orientation of an article) to employers, sponsors, readers, peers, filmmakers or any member of the film industry.
  • NEVER allow to go unchecked the apologia of xenophobia, violence, sexual abuse, criminality, death threats, death penalty or any unethical ideologies.
  • NEVER give public/professional support to people guilty of unethical deeds/ideology (Jean-Luc Godard, Roman Polanski, Mel Gibson, Leni Riefenstahl, Mao, Staline, Dubya, pedophile priests...)
  • NEVER accuse people who are still innocent until proven guilty by a legit court of justice.
  • NEVER accept the sponsorship from alcoholic beverages which prohibit underaged audience/readers access to your film publications and/or film screenings.
  • NEVER muddy film interpretation with political partisanship


But, of course, we don't ask movie reviewers to be philosophy savvy, much less ethics-wise. But in case they do claim such authority in the critical judgements of their articles, we expect them to refer to universally recognized philosophical concepts and framework, not to invent their own jargon indulging a dubious logic.

And yes, I know that the simple fact of working for a media corporation automatically makes you breach several of these rules...

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